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Qualité de la viande pour le jambon cuit
évaluée par vision industrielle english

Bruno Boutten
E mail : boutten@free.fr

© Boutten B. june 2015

Pour l'industrie de transformation de la viande, plus particulièrement dans le cadre de la fabrication du jambon cuit ou sec, la notion de qualité de la viande est primordiale. Les rendements de fabrication, en fonction de cette qualité viande, peuvent aller de plus de 100 % à 0 % .

Les critères de qualité, utilisés pour caractériser la matière première, sont différents si l'on fabrique un jambon cuit ( techno 1 ; techno 2 ) ou un jambon cru ( techno 3 ). Les technologies de fabrication sont différentes. Cette communication s'adresse principalement à la notion de qualité de la viande pour le jambon cuit, bien que certaines notions puissent être reprises pour le jambon sec.

La qualité caractérisant une pièce anatomique à l'entrée en salaison est l'aboutissement du travail de l'ensemble de la filière porcine :

Les sélectionneurs assurent une part importante de la qualité.
Ils utilisent la génétique adaptée aux contraintes économiques rencontrées.
La gestion des différentes lignées et des principaux gènes de qualité permet une adaptation à la qualité demandée ( P. Sellier, 2007 ; W. Mabry ). Le porc ne se limite pas à une paire de jambon. Les critères de qualité spécifique à cette pièce anatomique peuvent être en contradiction avec les critères de qualité spécifique à d'autres pièces par exemple la longe.

Les éleveurs et les abatteurs assurent une part importante de la qualité. Ils contrôlent des points clefs avant et après abattage de l'animal. L'ajeunement ( P. Chevillon 2006 ; Y.B. Lee, 1999 ; G. Monin, 2003 ), les conditions d'amener à l'abattage et les conditions de refroidissement des carcasses sont primordiales pour la qualité du produit. Un regard critique, sur ces différentes étapes, doit être porté.

Jambon cuit

Pour la fabrication du jambon cuit, le site de transformation peut recevoir soit des jambons entiers, soit des jambons 4D (découenné, désossé, dégraissé, dénervé), soit des jambons 5D (découenné, désossé, dégraissé, dénervé, dépièce) ( University Nebraska, porcine myology ; C. Guintard, 2004 ). Les critères de qualité vont être évalués différemment en fonction du type d'approvisionnement. Les pétéchies, le gras, l'état de la couenne, la couleur, le parage, le pH seront évalués en fonction de cet approvisionnement.

Des critères de qualité évalués à l'entrée de l'usine, c'est le pH qui retient le plus notre attention. C'est ce paramètre qui a permis d'expliquer des descriptions telles que les viandes PSE, DFD, bicolor. La mesure du pH en situation industrielle, pour être fiable doit être pratiqué avec une grande rigueur ( mesure IFIP ). La mesure du pH difficile sur jambon entier, l'est encore beaucoup plus sur jambon 5D.

Depuis longtemps, la couleur de la viande a été retenue comme signe de qualité. L'évaluation de la couleur avec une échelle japonaise est facile à mettre en place sur chaîne de production. De nombreux progrès ont été réalisés pour l'évaluation de la couleur grâce à l'utilisation d'appareil tel que le colorimètre et le spectrocolorimètre.

Vision industrielle

La voie la plus prometteuse pour l'évaluation de la couleur est le traitement d'images. L'association caméra programme informatique permet une évaluation rapide, sans contact de la totalité de la pièce de viande. Ce système est facilement automatisable. La vision industrielle est la méthode de choix pour caractériser le jambon 5D.

De nombreux travaux ont été réalisés. La vision industrielle permet une évaluation de la couleur similaire au consommateur ( A. Girolami, 2013 ). La vision industrielle permet également une évaluation de la qualité par son évaluation de la viande PSE ( P. Marty-Mahe, 1999 ; M. Franck, 2004 ). Le progrès, tant du matériel (caméras, ordinateur) que des logiciels, a apporté des améliorations considérables pour l'évaluation du comportement technologique de la viande par vision industrielle ( B. Boutten, 2008 ; B. Boutten 2011 ; B. Boutten 2014 ). Une caractérisation fine de la relation du bicolorisme et du pH par la vision industrielle est en cours.

Relation entre pièce anatomique du jambon et hétérogénéité de la couleur.

L'hétérogénéité de la couleur dans les produits à base de viande est perçue négativement par le consommateur.
Dans l'industrie du jambon cuit, cette perception du bicolorisme est exacerbée, par le fait que la tranche de jambon a un rapport surface poids particulièrement défavorable.
Le consommateur est en plus habitué à disposer d'un produit rose homogène.
Dans notre étude 240 noix, 440 semelles et 350 noix pâtissières ont été analysées sur leur face interne. Par la mise au point d'une gamme de cluster de couleur, nous pouvons quantifier en temps réel (1 pièce par second) l'hétérogénéité de la couleur.
Plus la note de bicolorisme est important plus le bicolorisme est prononcé. La note peut aller de 0 à 20.

Noix
moyenne note bicolorisme = 12.03 +/- 1.10

Semelle
moyenne note bicolorisme = 10.34 +/- 0.69

noix pâtissière
moyenne note bicolorisme = 9.60 +/- 0.73


La différence de note de bicolorisme entre les pièces anatomiques est très significative.
La noix, composée principalement du semi membraneux présente le bicolorisme le plus important.
Cette situation est bien connue des transformateurs, mais le système de vision permet une quantification rapide, fine et reproductible du bicolorisme.
Une étude sur la relation entre note de bicolorisme et pH cam a ainsi pu être réalisée.

Relation entre couleur du jambon et hétérogénéité de la couleur.

La notion de qualité viande est associée pour les transformateurs à la couleur de la viande comme dans le cas des jambons PSE et DFD.
Cette couleur sur une pièce de viande est difficile à évaluer à cause de son hétérogénéité.
La vision par ordinateur apporte une solution à la quantification et à la caractérisation de la couleur de pièces de viande. Elle est rapide et reproductible.

La mesure de la couleur est réalisée dans un espace tri dimensionnel (rouge, vert, bleu) en 16 Millions de couleurs.
Pour une plus grande facilité de tri, une conversion dans un espace mono dimensionnel est réalisée par l'équation :

pHcam = -0.202 x Rouge - 0.0507 x Vert + 0.1184 x Bleu + 6.6160

Par la mise au point d'une gamme de cluster de couleur, nous pouvons quantifier en temps réel (1 pièce par second) l'hétérogénéité de la couleur.
Plus la note de bicolorisme est importante, plus le bicolorisme est prononcé. La note peut aller de 0 à 20.

Dans notre étude 240 noix, 440 semelles et 350 noix pâtissières ont été analysées sur leur face interne.

Les coefficients de corrélation, relations très significatives, entre la note de bicolorisme et la couleur de la viande (pHcam) sont :

pour la noix
r = 0.71 effectif 240

pour la semelle
r = 0.45 effectif 440

pour la noix pâtissière
r = 0.60 effectif 350

Pour assurer une meilleure présentation, des lots de 10 pièces anatomiques en fonction de la note de bicolorisme ont été réalisés. Dans ces conditions la relation note de bicolorisme / pHcam est présente à la figure 1 en fonction du type de pièce anatomique.

relation couleur viande jambon pH
Figure 1 : relation entre la note de bicolorisme et
le pHcam en fonction de la pièce anatomique.


Le coefficient de corrélation entre la note de bicolorisme et la couleur de la viande (pHcam) pour des lots de 10 pièces anatomiques est :

pour la noix,
r = 0.94 effectif 24

pour la semelle,
r = 0.87 effectif 44

pour la noix pâtissière,
r = 0.89 effectif 35

Cette évolution entre les coefficients de corrélation, passage par exemple de 0.71 à 0.94, avant et après alotement montre l'influence très positive et logique de l'alotement.

Relation entre couleur de la viande et rendement technologique pour le Jambon cuit.

L'association qualité de la viande et couleur n'est plus à démontrer.

Des outils tels que l'échelle colorimétrique japonaise assurent depuis longtemps un tri efficace pour les industriels de la transformation.
Des qualificatifs de viande tel que PSE ou DFD font directement appelle à la couleur de la viande.
Depuis 30 ans de nombreux progrès ont été réalisés par l'utilisation de système de caractérisation de la couleur.

La vision par ordinateur, en évaluant la couleur sur la totalité de la pièce de viande, permet un approche beaucoup plus efficace de la mesure de la couleur  et de la relation entre couleur de la viande et qualité technologique de la viande.
La transformation de l'espace tri dimensionnel de la couleur (rouge, vert, bleu) a un espace mono dimensionnel (pHcam) a été réalisée par l'intermédiaire de l'équation suivante :

pHcam = -0.0202 x Rouge - 0.0507 x Vert + 0.1184 x Bleu + 6.6160


Ainsi nous avons caractérisé 70 jambons 5D (noix, semelle, noix patissière) et les avons classés en lot de fabrication de 5 jambons de même caractéristique colorimétrique.

Ces lots de 5 jambons ont subi une transformation en jambon cuit supérieur. Les rendements technologiques en pourcentage, poids de jambon après cuisson divisé par poids de la viande mise en oeuvre à l'entrée de la salaison, ont été calculés. La relation entre la couleur de la viande (pHcam) et rendement technologique est représentée figure 2. Le coefficient de corrélation est de 0,83. Cette relation est étroite et montre le rôle prédicteur de la couleur de la viande évaluée par vision par ordinateur pour déterminer le rendement technologique.

viande jambon rendement technologique couleur vision
Figure 2 : Relation entre couleur de la viande ( pHcam) et rendement technologique.


D'autres techniques ont été testées telles que la conductivité (Tableau 8, B. Boutten 2004 ), electrical impedance spectroscopy (EIS) ( M. Angels Oliver, 2001 ), Magnetic Resonance Imaging MRI ( T. Perez-Palacios, 2014 ), NIR spectroscopy ( A. Vautier, 2014 ) mais les résultats n'ont pas permis d'application industrielle.

© Boutten B. june 2015



E mail : boutten@free.fr